these_tiodionwa_foret_teledetection_drone.jpg
these_tiodionwa_foret_teledetection_drone.jpg
Actualité - 29 sept. 2022

Soutenance de Thèse sur les dynamiques de déforestation et de dégradation forestières en Côte d’Ivoire

Tiodionwa Ouattara a admirablement soutenu sa Thèse de Doctorat en Science et Technologie le 26 Mars 2022 à l'Université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan

Tiodionwa Ouattara a reçu le titre de Doctorat en Science et Technologie, Mention : Télédétection et SIG, Spécialité : Aménagement, Gestion des Terres et des Ecosystèmes. Ses travaux portent sur "le Suivi des Terres et de la Déforestation par télédétection Spatiale et Aérienne à l’Est et au Sud-Est de la Côte d’Ivoire".

Contexte et objectifs

L’Etat Ivoirien a initié une nouvelle politique forestière en 2019 qui vise à freiner la déforestation. Pour appuyer cette politique de réduction de la déforestation et mieux comprendre les dynamiques en cours, des cartographies fines et régulières des changements d’occupation et d’usage des terres sont nécessaires. Cependant, de fortes limitations affectent ces systèmes de suivi : forte nébulosité, résolution spatiale, fréquence d’acquisition ainsi que complexité des agrosystèmes etc. ce qui explique leur faible usage opérationnel en Côte d’Ivoire malgré leur potentiel. De plus, de telles études de cartographie de l’occupation du sol par satellite doivent tenir compte de la rapidité des processus anthropiques sous-jacents, il est nécessaire de développer des approches reproductibles à l’échelle de temps annuelle ou intra-annuelle selon les processus.

La déforestation dans la forêt classée de Bossématié pour la mise en place de la cacaoculture

C’est la problématique abordée dans cette étude qui cherche à tester et développer des méthodologies associant l’analyse des données de Télédétection spatiale et aérienne (Drone) et des données de terrain pour évaluer et mieux comprendre les changements d’utilisation des terres en Côte d’Ivoire. Ces travaux ont été menés dans le cadre du projet REDD+ de Mé et se sont intéressés en particulier aux dynamiques de déforestation et de dégradation forestières à l’échelle régionale et locale.

Approche méthodologique des travaux de recherche : échelle régionale (Est et Sud-Est de la Côte d’Ivoire) et locale (Forêt classée de Bossématié)

Résultats

Les résultats montrent que l’extension des cultures de rente (cacao-café, hévéa et palmier à huile), des cultures et jachères non différenciées ainsi que des infrastructures (habitations et routes), a conduit à un taux de déforestation de 4,95% par an dans l’Est et le Sud-Est de la Côte d’Ivoire entre 2016 et 2019.

Cartes d’occupation et d’usage des terres dans l’Est et le Sud-Est de la Côte d’Ivoire en: A/ 2016 et B/ 2019

Les formations forestières denses sont converties d’abord en forêts dégradées ou secondaires, puis en cultures ou jachères non différenciées avant que les cultures de cacao-café apparaissent. Dans le cas des forêts dégradées ou secondaires, ce sont les cultures de cacao-café qui restent la première cause de la déforestation, puis les cultures ou jachères non différenciées avant que n’apparaisse l’hévéa.

Diagramme de répartition présentant les usages des terres post-déforestation entre 2016 et 2019 dans le Sud-Est de la Côte d’Ivoire concernant A/ les formations forestières denses et B/ les forêts dégradées ou secondaires

Les analyses au niveau local ont montré une perte importante de biodiversité dans la forêt classée de Bossématié et également l’importance du drone dans l’évaluation de la dynamique de déforestation et de dégradation forestière en milieux forestier. Ces résultats apportent un nouvel éclairage et une quantification des usages de sol post-défrichements, notamment l'impact des cultures de rente. Ils soulignent également l'importance des formations secondaires dans le paysage (anciennes cacaoyères abandonnées) et leurs conversions récentes vers d'autres cultures notamment l’hévéa.

Illustration des Orthomosaïques (A), des Modèles Numériques de Surfaces en 3D (B), en 2D (C) et Modèles Numériques de Terrain (D) entre 2018 et 2019 sur un site de la forêt classée de Bossématié

Conclusions et perspectives

Ces travaux à l’échelle régionale ont permis à la fois de quantifier l’importance des changements ainsi que les causes probables de ces changements permettant de mieux comprendre les mutations en cours du territoire. La méthodologie est facilement reproductible dans d’autres régions ou dans le cadre d’une actualisation (outil open source et données gratuites).
Par ailleurs, les réflexions en cours sur les choix techniques, dans le cadre de la surveillance spatiale des terres (SST) à l’échelle nationale, pourraient bénéficier des enseignements tirés de la présente étude. En particulier, les résultats de ces travaux démontrent qu’il est possible, de détecter la déforestation et la dégradation des forêts avec le drone. Cela permettrait d’affiner notablement le Niveau d’Emissions de Référence des Forêts (NERF) transmis par la Côte d’Ivoire à la Convention Cadre des Nations-Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC) ainsi que la mise en place de système d’alerte précoce pour guider les actions de terrain.

L'interface agriculture-forêt

Le résumé de la Thèse est présenté ci-dessous.

En Côte d’Ivoire, pour appuyer les politiques de réduction de la déforestation et mieux comprendre les dynamiques en cours, des cartographies fines et régulières des changements d’occupation et d’usage des terres sont nécessaires. Cependant, ces études sont rarement conduites sur de grands territoires ou elles sont parfois obsolètes à cause de la rapidité des processus anthropiques sous-jacents. L’objectif de cette thèse est d’évaluer les changements d’occupation et d’usage des terres, en particulier les dynamiques de déforestation et de dégradation forestières à l’échelle régionale et locale. La méthodologie est basée dans un premier temps sur l’utilisation d’images satellites Sentinel-2 à 10 et 20 mètres de résolution spatiale sur une zone d’étude de 22014 km2. Après prétraitements, ces images Sentinel-2 ont été soumises à une analyse automatisée sous R en plusieurs étapes dont la classification supervisée avec l’algorithme Random Forests et l’évaluation de la qualité du modèle de classification. Cette classification s’est appuyée sur une délimitation de données d’apprentissages décrivant la zone d’étude en quinze (15) catégories d’occupation et d’usage des terres et a permis de produire des cartes d’occupation et d’usage des terres en 2016 et en 2019. Dans un deuxième temps, une série temporelle d’images aériennes acquises par drone de Novembre 2018 à Avril 2019 sur onze (11) sites identifiés dans la forêt classée de Bossématié a permis d’estimer les hauteurs d’arbres ainsi que la taille des houppiers d’arbres sur la base de modèles photogrammétriques. Les pertes d’arbres sont ensuite détectées par la variation des hauteurs d’arbres sur la période considérée et ont été évaluées par photo-interprétation. Enfin, des indices spectraux et retrodiffusionelles ont été calculées à partir des images satellites Sentinel-1 et 2 de 2019 et ont ensuite été utilisés avec l’algorithme Random Forests pour produire la carte de pertes d’arbres de 2019 sur l’ensemble de la forêt classée de Bossématié. Les cartes issues de l’analyse des images Sentinel-2 présentant des précisions globales satisfaisantes (92% pour la carte de 2016 et 87% pour celle de 2019) ont été croisées pour décrire les transitions forestières de la zone étudiée. Les résultats soulignent que l’extension des cultures de rente (cacao-café, hévéa et palmier à huile), des cultures et jachères non différenciées ainsi que des infrastructures (habitations et routes), ont conduit à un taux de déforestation de 4,95% par an sur la période étudiée. L’analyse de la distribution des hauteurs d’arbres dans la forêt classée de Bossématié a révélé que la hauteur maximum des arbres est de 65,06 m en Novembre 2018 et et de 64,07 m en Avril 2019 avec une moyenne de la hauteur des arbres qui varie de 34,29 ± 6,27 m à 37,00 ± 7,14 m en Novembre 2018 et de 34,63 ± 6,40 m à 36,88 ± 7,05 m en Avril 2019. La surface moyenne du houppier d’arbre a quant à elle été estimée à 152 m2. Ces données structurales des arbres ont permis de détecter un minimum de 107 pertes d’arbres correspondant à une surface de défrichement de 2 ha sur l’ensemble des sites étudiées au cours de la période Novembre 2018 à Avril 2019 avec une précision globale satisfaisante de 97%. Cependant, la détection des pertes d’arbres à l’aide des indices calculés sur la base des images satellites Sentinel-1 et 2 a présenté de faibles niveaux de précisions. Cette étude fournit ainsi une compréhension détaillée et actualisée des changements d’occupation et d’usage des terres et contribue aux réflexions sur la mise en place d’un système national de surveillance des terres.

>> Téléchargez la thèse ici

>> Téléchargez sur ResearchGate ici

>> Consultez l'article paru dans la revue Bois et Forêts des Tropiques (BFT) ici

>> Consultez l'article paru dans la revue Drones ici