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Actualité - 26 oct. 2020

Arachide et maïs, principales causes de la déforestation au sud-ouest de Madagascar?

Ce n’est pas seulement la pauvreté: un marché mondial non réglementé et une mauvaise gouvernance expliquent la déforestation incessante dans l’ouest de Madagascar

Madagascar est connu pour sa biodiversité rare et menacée, entre autre par la déforestation qui y atteint des rythmes élevés. La déforestation dans l’écosystème unique de forêts sèches de l’ouest de Madagascar est encore plus forte que dans le reste du pays avec une perte de plus de 2% du couvert chaque année.

Dans le cadre de deux projets développés en partenariat avec Nitidæ (Mikea et BiosceneMada), deux missions ont eu lieu en 2016 dans le Parc National des Mikea, dans l’aire protégée de Menabe et dans le Parc National Kirindy-Mite pour comprendre les facteurs particuliers expliquant la déforestation dans ces zones. Les mêmes constats ont été relevés et ont fait l’objet d’une publication disponible en preprint en bas de la page.

Principales causes de la déforestation dans l'ouest de Madagascar. a-a' : agriculture sur brûlis ("hatsake") pour la culture des arachides. L'arachide (a') est cultivée comme culture de rente. La majeure partie de la production est destinée au marché intérieur. b-b' : Agriculture sur brûlis pour la culture du maïs. Le maïs (b') est cultivé pour l'autoconsommation et comme culture de rente. La production de maïs est à destination du marché intérieur et est utilisée en particulier pour l'alimentation du bétail. c-c’ : Cyclone suivi d'incendies incontrôlés. Le cyclone "Fanele"(2009) a provoqué la mortalité des arbres et l'accumulation de bois de chauffage sur le sol. En conséquence, les incendies incontrôlés qui se sont déclarés dans les pâturages voisins (c') se sont étendus sur de grandes surfaces de forêt après 2009. d-d' : Exploitation forestière illégale. Le bois est utilisé pour la construction de maisons et de pirogues

Comme souvent l’agriculture sur abattis-brûlis est en cause. Toutefois, elle est pratiquée ici pour alimenter le marché national en maïs (principalement pour l’élevage) et le marché asiatique en arachide. La seconde cause est constituée des feux de brousse incontrôlés, allumés afin de gagner des terres sur la forêt pour l’élevage ou l’agriculture et accentués par la dégradation forestière due à la coupe illégale de bois précieux (sous couvert de certaines autorités) ou aux dégâts des cyclones fréquents dans la zone (dégâts accentués par la dégradation forestière).

Déforestation historique sur la période 2000-2010-2017 dans les trois zones d'étude. Les lignes en pointillés sur b) et c) montrent les trajectoires des cyclones "Fanele" (janvier 2009) et "Haruna" (février 2013), respectivement (source : JTWC, https://www.metoc.navy.mil/jtwc). vert : couverture forestière en 2017, orange : déforestation 2000-2010, rouge : déforestation 2010-2017 (Vieilledent et al., 2018). Dans les zones étudiées, les principales causes de la déforestation sont (A) agriculture sur brûlis ("hatsake") pour les cultures de maïs et d'arachides, (B) cyclones suivis d'incendies non contrôlés, et (C) exploitation forestière illégale

Les fronts de déforestation, à travers l’agriculture et les feux ainsi que les différents intermédiaires intervenant le long des filières, seraient engendrés par une certaine élite locale, révélant parfois des conflits d’intérêt. Par ailleurs, les gestionnaires d’aires protégées n’ont pas les moyens législatifs ou financiers d’intervenir efficacement. Pour infléchir le rythme de déforestation, la gouvernance et la régulation du marché national semblent alors être deux leviers importants.


Cette étude est basée sur des enquêtes menées en 2016 auprès des agriculteurs locaux, des représentants des fokontany (canton) et des acteurs environnementaux dans les trois zones d'étude. Les objectifs de ces enquêtes étaient d'une part d'identifier les causes de la déforestation et d'autre part d'évaluer l'efficacité des actions de conservation mises en œuvre par les organismes chargés de la gestion des zones protégées. Les informations provenant des enquêtes de terrain ont été recoupées et complétées par un examen des rapports techniques sur les secteurs du maïs et de l'arachide à Madagascar et par des études scientifiques sur le processus de déforestation dans le sud-est de Madagascar. Les auteurs ont également utilisé le site FAOSTAT pour obtenir des informations sur la production nationale de maïs et d'arachide et le site web UNComtrade des Nations unies pour obtenir des informations sur les exportations.

Résumé de l’article:

Madagascar est reconnue à la fois pour sa biodiversité inégalée et pour le haut niveau de menace subi par cette biodiversité, associé notamment à la déforestation anthropique. Malgré des efforts soutenus pour lutter contre la pauvreté et freiner la déforestation, le couvert forestier à Madagascar diminue rapidement. Pour tenter d'expliquer pourquoi il est si difficile d'arrêter la déforestation à Madagascar, nous avons analysé le récent processus de déforestation dans l'ouest de Madagascar par l'analyse d'images satellites et des enquêtes de terrain. Nous montrons que la déforestation est passée de moins de 0,9 %/an sur la période 2000-2010 à plus de 2 %/an sur la période 2010-2017. Nous avons identifié deux causes majeures de la déforestation, qui ne sont pas associées à l'agriculture de subsistance : l'agriculture sur brûlis pour la culture de produits de rente (maïs et arachide), et les feux incontrôlés pour créer des pâturages. La production de maïs est principalement destinée au marché intérieur et est utilisée en particulier pour l'alimentation du bétail. La production d'arachides est en plein essor depuis 2013 et plus de la moitié de cette production est désormais exportée vers les pays asiatiques. L'argent gagné par les agriculteurs est principalement investi dans l'acquisition de troupeaux de zébus. Le commerce des produits agricoles profite à plusieurs intermédiaires, dont certains ont des responsabilités politiques, ce qui crée des conflits d'intérêts. D'autre part, les agents des institutions chargées de la gestion des zones protégées n'ont aucun moyen de faire respecter les lois contre la déforestation. En l'absence d'une stratégie efficace pour stopper la déforestation, nous avons prédit que 38 à 93% des forêts présentes en 2000 auront disparu en 2050. La perte de forêts, outre la perte de biodiversité et les problèmes mondiaux liés au changement climatique, se fera au détriment de la population locale. Afin d'arrêter la déforestation, l'aide internationale devrait être utilisée pour améliorer la gouvernance locale afin de faire respecter les lois environnementales et des pressions devraient être exercées sur les sociétés commerciales pour qu'elles achètent des produits agricoles certifiés qui ne sont pas issus de la déforestation
Vieilledent G., M. Nourtier, C. Grinand, M. Pedrono, A. Clausen, T. Rabetrano, J.-R. Rakotoarijaona, B. Rakotoarivelo, F. A. Rakotomalala, L. Rakotomalala, A. Razafimpahanana, J. M. Ralison, and F. Achard. It’s not only poverty: uncontrolled global trade and bad governance are responsible for unceasing deforestation in Western Madagascar. preprint bioRxiv, https://doi.org/10.1101/2020.07.30.229104

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